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Claire Schorter : « Le sujet de l’espace extérieur est central »

L’architecte urbaniste Claire Schorter a conçu le programme Plaisance, à Rennes en partenariat avec les équipes d’architectes Maurer et Gilbert, Bourdet Rivasseau et Beal et Blanckaert. Elle accorde une attention particulière aux espaces extérieurs du logement, et notamment aux balcons, plébiscités en ces temps de confinement. Interview.    

                                                                                                                                     L’architecte-urbaniste Claire Schorter, devant un plan du programme Plaisance, à Rennes.

Vous êtes une architecte très attentive à l’espace et à la vie dans les logements que vous imaginez. D’où cela vient-il  ?

Lorsque j’ai créé mon agence d’architecture, en 2013, j’ai mené un travail fondateur avec l’agence danoise Gehl, précurseur dans le domaine de l’ergonomie, des usages. Nous avons travaillé ensemble sur le projet du quartier Saint-Sauveur à Lille, et nous avons remporté le concours. Je me souviens d’une anecdote  : lors de la première réunion, l’un des architectes danois avait pris la parole et ses propos m’ont durablement marquée. « Moi, ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir dormir la fenêtre ouverte par une chaude nuit d’été ». Mine de rien, cela influence l’organisation du logement, avec une chambre au calme, différentes expositions… Je suis désormais convaincue qu’il faut prendre en considération les gestes triviaux du quotidien lors de la conception d’un programme.  

Qu’entendez-vous par ces « gestes triviaux du quotidien »  ?

Des choses simples et banales en apparence, mais essentielles pour la qualité de vie  : le confort acoustique dans le logement, la lumière naturelle dans la cage d’escalier, le traitement du seuil avec la rue, la qualité et l’animation des façades au rez-de-chaussée, la possibilité de voir ses enfants jouer en sécurité en bas en regardant par la fenêtre de sa cuisine…  

Comment cela se traduit-il en termes architecturaux  ?

Je l’ai dit, je privilégie la lumière, les logements offrant des expositions multiples. J’accorde une grande importance à l’orientation des logements, afin qu’ils garantissent un ensoleillement minimum de 2 heures par jour même en hiver. Je travaille sur les rangements intérieurs, sur la dimension et l’éclairage naturel de la cuisine permettant à l’ensemble des occupants d’y prendre ses repas. Plutôt de que raisonner en mètres carrés par pièce, c’est l’usage qui en découle qui m’intéresse.  

Vous avez également mené une réflexion sur la taille des balcons. Pourquoi  ?

Effectivement, le sujet de l’espace extérieur est central dans mon travail et la question des balcons n’est pas anecdotique. Vous aurez remarqué comme moi que les balcons filants traditionnels offrent une faible profondeur (1,40 mètre) qui ne permet pas d’y installer une table et des chaises pour y déjeuner. Dans mes programmes, comme celui de Plaisance à Rennes, je privilégie une profondeur minimum de 1,80 à 2 mètres. Il faudrait que cela devienne un standard de construction, comme les hauteurs sous plafond qui sont désormais fixées à 2,70 mètres au lieu de 2,50 mètres pour les immeubles construits sur l’Ile de Nantes, par exemple.  

Le balcon est donc une pièce de vie à part entière  ?

C’est une évolution liée à la ville dense. On a besoin, au-delà de son logement, d’accéder à des espaces extérieurs de qualité, à des espaces verts en pleine terre au cœur de la ville, calmes, frais et ressourçant, près de chez soi. C’est la priorité numéro 1. Pouvoir s’installer sur son balcon, et que cet accès soit dimensionné au nombre d’habitants du logement est également essentiel pour la qualité de vie. C’est ce que nous proposons dans le programme Plaisance, avec des espaces généreux, une emprise au sol assez forte et des accès de plain-pied pour de nombreux logements. Le programme propose aussi des volumes découpés, avec des balcons et des terrasses, et une intimité préservée par des mises à distances rigoureuses.  

C’est le prix à payer pour rendre la densité acceptable  ?

En réalité, ce sont des propositions assez simples et banales, qui ne sont pas suffisamment mises en avant, mais qui changent tout dans la vie en ville. Prenez l’exemple des angles d’immeubles, sur la rue  : c’est souvent là que sont implantés les transformateurs ou les rampes de parking, parce que c’est plus simple. Pourtant, il est essentiel pour donner envie de marcher dans la ville que ces angles soient bien traités et interpellent le regard. Dans le même esprit, je préconise de casser la hauteur des grands immeubles avec des retraits successifs à partir du 2e étage. Visuellement, cela change tout pour le piéton, et cela permet aussi d’éviter l’effet Venturi des courants d’airs entre les hautes façades, et l’inconfort qui en résulte dans les espaces publics.  

Votre agence s’appelle Laq, et cet acronyme exprime « l’amour des quartiers ». Qu’est-ce qui vous guide, finalement, lorsque vous dessinez un nouveau quartier  ?

Je dois moi aussi avoir envie personnellement d’habiter dans ce que je conçois. Je me mets en empathie complète avec le projet et ses futurs usagers. J’aime l’idée de penser l’individuel dans le collectif, à moins que ce ne soit l’inverse  !  

Propos recueillis par Xavier Debontride

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